25 oct. 2010

Les Bronzés font du Spiel 2010



"Die Wahl ist ein Verzicht..."
* Compte-rendu incomplet et imprécis de notre virée à Essen (22-24 octobre 2010)


par Jean Baptiste




Première journéeMan ist auf den Fotos schön !

Essen c’est surfait, tout le monde y va. Les allées sont blindées de monde, faut jouer des coudes pour trouver une place pour (justement) jouer. C’est du bizness, c’est 10 000 jeux qui seront très vite oubliés pour seulement quelques chanceux qui survivront plus de quelques mois. C’est des hot-dogs super lourds, des bouteilles d’eau à 4€, des rôlistes qui se promènent une hache à la main, des Madame Mathilde de Gigamic moins belles en vrai (surtout en fin de salon). C’est aussi des règles mal expliquées dans un germano-anglais imprécis, des jeux qui font du buzz de manière totalement incompréhensible, des auteurs aux cheveux verts, des goodies vite disparues, des jeux « sold out » depuis le début du salon (à se demander s’il y avait même le moindre exemplaire en vente…). C’est aussi des parties commencées mais jamais finies, des filles qui se font grave chier à la table, des démonstrateurs aussi peu fiables que disponibles, et des coups de fatigue insubmersibles.

Tout cela est bien vrai, et pourtant… voici un petit compte-rendu de notre virée à Essen cette année, 3 jours intenses, qui méritent à mon sens d’être vécus au moins une fois dans une vie de geek ludopathe. Par son côté excessif, Essen n’est sûrement pas un lieu de pèlerinage obligatoire, mais pour moi un vrai moment hors du temps, où le jeu prend une place centrale dans nos pensées pendant quelques jours. Et moi ça me botte !

Toujours utile de consulter le plan d'évacuation de l'avion

Départ de Lyon en avion vendredi à 7h20. La nuit a été courte, surtout pour un pompier, mais Jérôme prend sur lui et essaye de récupérer son retard ludique actuel, en s’informant des nouveautés du salon, et de ce qui peut s’avérer intéressant de découvrir sur place. La liste est longue, nous faisons un pré-tri de ce qui nous plairait de voir. Comme aucun jeu nous parait incontournable, la technique adoptée sera souvent de nous balader dans les allées à la recherche d’une table vide (ce qui est déjà un sacré challenge).


Un jeu... Enfin !

Arrivée sur le salon (ouverture des portes à 10h), et c’est parti ! Comme nous ne sommes alors que 2, nous nous glissons rapidement parmi les allées pour nous poser sur Rotterdam, un jeu qui tentait Jérôme (oui, Jérôme aime beaucoup les hollandaises… euh… les jeux de gestion). Avec l’extension, ce jeu s’avère finalement plein d’opportunisme et de coups fourrés. Chacun essaie d’amener à bon port des marchandises via les voies maritimes quelque peu capricieuses du port de Rotterdam (si c’est comme ça dans la réalité, je plains les marins hollandais !). Il faut alterner des actions de chargement de cargaison, de déplacement de bateaux, de livraison, pour remplir de juteux contrats. Un jeu plaisant, mais certaines cartes d’action surpuissantes empêchent une bonne maîtrise de nos livraisons. Sur la photo, Jérôme sourit car il vient de m’inverser les cargaisons de 2 de mes bateaux d’un coup de baguette magique… ouille !


Navegador, les aventuriers parlent aux aventuriers

Grâce à une parfaite synchronisation (lol), nous retrouvons ensuite Bruno le Cowboy et ses potes qui terminent une partie de Navegador, un jeu de Mac Gerdts avec son inévitable « roue » (il doit bénir le jour où il a inventé la roue, celui-là !). Un jeu bien ficelé, à base d’exploration maritime, de colonies, de marché du coton, et de construction de bâtiments. Notre adversaire, un redoutable allemand nommé Tobby nous met une bonne raclée en gérant mieux que nous ses revenus et ses bateaux. Jérôme me dérobe au dernier moment un gros bonus que je visais, zut ! (Nous convenons à ce moment de nous allier secrètement lors de nos prochaines parties sur le salon, histoire de ne plus nous faire ridiculiser par des allemands, non mais !)


Black Friday, concentrated JB


Ravis d’avoir trouvé une table, nous refusons de la lâcher (parce qu'une table, c'est un luxe à Essen, rappelez moi de venir avec ma table de camping la prochaine fois), et nous remplaçons Navegador par un jeu d’un autre auteur à succès, Black Friday de Friedman Friese. Nous attendons les explications chaotiques des démonstrateurs peu motivés en savourant un merveilleux hot-dog sauce mayo, et nous nous lançons dans ce jeu boursier, censé retranscrire les fluctuations parfois incontrôlables des marchés. Avec Jérôme (Kerviel ?) nous achetons, vendons, essayant de maximiser nos gains face à Tobby, sa petite sœur et un autre allemand bedonnant. Le jeu s’éternisant un peu, et un point de règle nous échappant totalement, la partie est finalement avortée, au grand dam de Jérôme, qui déteste ne pas finir une partie. C’est à ce moment que nous avons identifié les deux types de visiteurs présents à Essen : les « essayeurs » et les « joueurs ». Jérôme est un joueur, il est là pour faire une vraie partie de chaque jeu, ce qui implique une vraie explication des règles, des joueurs concentrés et une partie menée à son terme. Les « essayeurs » sont là pour se faire une idée du jeu, mais veulent optimiser leur temps sur le salon et n’hésiteront pas à se contenter d’un début de partie. Cela va sans dire qu’il vaut mieux éviter de faire cohabiter ces deux types de visiteurs sur une même table… (non, Jérôme, ne mords pas Tobby, il a le droit de partir !!)


Pas besoin d'avoir le 1 pour aimer le 2


La 1ère journée se termine (et oui, 3-4 jeux en une journée, c’est la faible moyenne d’Essen ! Heureusement qu’on rejoue le soir !), et nous tournons du côté des stands francophones pour reposer un peu nos neurones fatiguées qui veulent leur dose de langue de Molière. Nous retrouvons un couple de joueurs français sur une table de Tikal II. Personne n’ayant joué à Tikal premier du nom, il nous sera donc impossible de comparer avec son illustre prédécesseur. Ce jeu là s’avère être un « poids moyen », pas très novateur, pas très passionnant, malgré un tour de jeu rapide et quelques choix difficiles. On se balade en pirogue, on récupère des clés, on explore le temple, on combote sur les couleurs, on fonce à la salle du trésor… sans grande passion. Nos adversaires n’étant ni de très bonne compagnie ni d’une redoutable efficacité, la partie se termine par une belle victoire partagée de Jérôme et moi-même (héhé, notre technique fonctionne alors pleinement !)





Première soiréeMan hat Biere versteckt, damit uns unsere Frauen dorthin nächst gehen lassen !

Le salon ferme ses portes (19h), direction notre gîte, où nous accueillent Bruno et ses 3 potes lyonnais, des vieux routards du festival. On retrouve ici (de gauche à droite) : Bruno « le Cowboy »,  Thomas « de la Triche », Christophe et Greg, des acheteurs un peu compulsifs. En plus de leur passion pour la bière, ils nous feront largement profiter de leur expérience du salon, avec une organisation au poil et une bonne humeur communicative. Comme il n’y a pas de «festival off » le soir à Essen, la seule façon de jouer est de se retrouver entre potes pour déballer ensemble les achats de la journée.


La surprise du salon


En apéro nous découvrons l’un des nombreux jeux dégottés par Christophe dans un vieux stand d’occasion. Un jeu à base de billes qui roulent, complètement inconnu, mais suffisamment amusant pour que j’en achète un dès le lendemain. C’est tout bête, mais voir les billes adverses terminer leur parcours dans une voie de  garage, c’est parfois jubilatoire !


Une petite merveille de matériel


Après un repas fort sympathique, nous sortons le gros buzz du salon, 7 wonders. Un principe de draft fort bien adapté, une partie très rapide même à 6 joueurs : je serai ravi de faire une nouvelle partie dès que possible. Les stratégies sont assez proches, et Bruno nous supplante avec une belle accumulation de cartes à points de victoire, délaissant totalement la construction de sa merveille. Je sens que c’est un jeu qui va beaucoup tourner dans les mois à venir sur les tables des Aventuriers du rhône…




Deuxième journée: Entschuldigung ist Herr oder der Händler der Postkarten ?


Jérôme qui Earth reborn


Après une nuit courte mais réparatrice, retour sur le salon. Samedi, jour des familles et de forte affluence. Nous nous glissons immédiatement sur une table dEarth Reborn pour découvrir un jeu qui rentrera vite dans les ludothèques des passionnés du genre. La partie en démo sur le salon est prévue pour 3 ou 4 joueurs, mais l’auteur, Christophe Boelinger (prononcer « Bolaingé », comme Catherine Ringer…) nous arrange une partie à 2 joueurs. Petite précision : cet auteur, talentueux et charmant au demeurant, nous aura fait mourir de rire malgré lui, avec des répliques d’une humilité inégalée comme « mon scénario est tellement réaliste que certaines amies ont eu du mal à dormir après l’avoir lu » ou encore  « mon jeu propose 11 mécanismes novateurs jamais vus… à tel point que mes potes m’ont dit Chris t’es un ouf, avec ça t’aurait dû faire 11 jeux différents ! » (petite précision : exemple de mécanisme novateur : des enchères à point fermé durant un combat…). Bon, ce qu’on lui demande c’est de faire un bon jeu, et force est de constater que l’objectif est atteint. Malgré les règles volontairement limitées sur notre partie, le jeu est prenant, rapide, plein de rebondissements, de coups fourrés, et notre partie raconte une vraie histoire. C’est proche de Dungeon Twister, en plus vivant, moins calculatoire (jets de dés), et nous sommes loin d’avoir entrevu toute la richesse des règles complètes. Un jeu qui mérite d’être creusé, entre mordus.



Occasions, des petites lumières dans les yeux

Petit tour par les boutiques d’occasion pour ne pas repartir les mains complètement vides… il faut pas rester trop longtemps près de tels stands, au risque de voir son taux de raisonnabilité très vite chuter…


Un aventurier, un vrai...
Partie d’Isla Dorada, un jeu du controversé Bruno Faidutti, « pompé » sur Elfenland avec des enchères dedans. Un jeu dans lequel les joueurs doivent ensemble se déplacer sur une île, enchérissant à chaque croisement pour choisir la prochaine destination commune. On accumule des cartes, on bluffe un peu, on se fait quelques crasses, et le plus chanceux l’emporte !! Un joueur à la table s’est fait taper dessus toute la partie, sans jamais être rattrapé au score tant les évènements le favorisaient. Un jeu familial donc, très beau, qui nous a laissé un excellent souvenir. La version française sortant d’ici peu, Jérôme compte s’en procurer un exemplaire rapidement.

Era of Inventions


Toujours à la recherche de la perle rare, nous continuons par Era of Inventions, un jeu Quined Games (les anciens alliés de White Goblin). L’animatrice du stand parle anglais (classique), mais d’une voix si douce et si peu audible que Jérôme décroche régulièrement. Nos 3 partenaires de jeu sont sympathiques, et ne captent pas mieux que nous toutes les règles. C’est un jeu très classique qui vous en rappellera certains : je pose un ouvrier pour acheter des matériaux pour construire des usines pour produire des trucs pour découvrir des inventions et marquer des points de victoire. C’est très original ! Jérôme inventera l’avion (c’est pratique pour retourner en France !) pendant que je me limiterai à la découverte de la machine à coudre, pour faire plaisir à ma femme (lol). (S’il y avait eu la possibilité de découvrir l’aspirateur et le robot mixeur, j’aurai tenté la combo !). Bon, ok, le thème est plaqué, les règles mal expliquées, et j’ai perdu…


Sun Tzu, l'art de la guerre



Suivant les conseils de Remy et Jost, nous finissons la journée par SunTzu, un jeu très malin pour 2 joueurs, qui nous enchantera. Rien de très original : il s’agit de gérer sa main de cartes, d’anticiper les coups de l’adversaire, de comboter un peu, de tenir un territoire au bon moment, pas trop tôt ni trop tard… nous enchaînons 2 parties sans souffler, ravis de cette découverte ludique. Impossible de l’acheter, « sold out » le lendemain, sniff ! A noter que pendant que nous guerroyons, le boss d’Ystari sur la table d’à côté se faisait présenter un proto par un jeune auteur bien courageux… que ce doit être dur de faire son trou dans ce milieu !

***

Deuxième soiréeWer hat mein Buch von Schopenauer bezüglich der Verzweiflung im Spiel gesehen? 



Inca Empire, joli !


De retour au gîte, notre soirée nous emmènera sur les terres péruviennes pour une partie d’Inca Empire. Comme je devais présenter ce jeu le lendemain sur le stand White Goblin, j’étais impatient d’y jouer pour mieux en connaître les règles, que j’avais certes traduites il y a quelques mois mais qui n’étaient pas très fraîches dans ma tête. Partie à 3 avec Jérôme et Christophe, dans un jeu où nous tentons de développer le réseau routier de l’empire inca, bâtissant cités, temples et terrasses, réduisant en esclavage les peuplades locales, invoquant le Dieu Soleil pour qu’il nous apporte bénéfices pour nous et malheurs sur nos adversaires. Les règles sont très simples, la partie un peu longue (2h30), mais le temps passe vite car les tours de jeux sont rythmés. Jérôme est malheureusement en tête dans la dernière ligne droite, "malheureusement" pour lui car une alliance de circonstance avec Christophe me permettra de le dépasser au final d’une courte tête. Un très bon jeu, à ressortir très vite !


Blanc, on avait dit blanc bordel !

Troisième journée:


De retour au salon pour notre dernier jour, Bruno et moi abandonnons notre groupe pour revêtir le chatoyant polo jaune des gobelins blancs. Nous avons en effet accepté de passer la journée sur le stand White Goblin pour présenter leurs 4 jeux du moment (Inca EmpireNorenbercRattus + extensionKhan). Une expérience nouvelle pour nous deux, qui se révélera intéressante et stimulante. Pas évident d’expliquer des règles en anglais à une famille allemande peu réceptive… pas facile de trouver le ton juste entre être clair et mettre un peu d’ambiance… J’ai tenté 3 fois une blague sur les « Yourtes » qu’il ne faut pas confondre avec des « Yahourts » avant de me résigner… aucun humour ces gamers !!



J.B. explique Rattus


Bruno se concentre sur les parties de Norenberc, pendant que j’explique essentiellement Khan (et ses fameuses yourtes qu’il ne faut pas confondre avec… ok !) et Rattus. Le stand a pas mal de succès, les jeux partent comme des petits pains, et je suis ravi de pouvoir rencontrer mes « employeurs » et m’assurer que ce sont des gars très sympathiques et très pros. Une expérience assez formative (j’ai sûrement uppé d’un niveau en anglais), sinon lucrative (on a chacun récupéré un exemplaire de chacun des 4 jeux présentés).





***

18h, Essen ferme ses portes, direction l’aéroport de Dusseldorf. On est un poil fatigués, mais toujours accrocs à notre drogue ludique. Les parties de Zombie Dice, Hive, Guerre Froide s’enchaîneront jusque dans l’avion, preuve que nous avions encore en nous la fièvre ludique… 

Essen c’est terminé. Nous retrouvons le sol français, avec ses pénuries d’essence, la pluie et les gens qui s’engueulent dans les bus à l’aéroport… La parenthèse ludique se referme, pendant 3 jours nous étions sur une autre planète, presque totalement coupé du monde. A Essen, notre vie a été rythmée par une orgie de règles nouvelles, une frénésie de découvertes ludiques, des changements constants de partenaires (!!), nous mettant bien loin de notre train-train quotidien. Et parfois, pas tout le temps, mais parfois, ça fait du bien.



 

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